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La France Insoumise (LFI) est-elle antisémite ?

25/07/2024 Commentaires fermés sur La France Insoumise (LFI) est-elle antisémite ? By Alain Soriano

Le débat fait rage pour déterminer si LFI est un parti antisioniste ou antisémite. Pour ses pourfendeurs, l’obsession d’Israël au détriment de toutes les autres causes dans le monde est la preuve que son antisionisme n’est que la face cachée de son antisémitisme.  En revanche, pour ses partisans, le parti est radicalement antisioniste mais se défend de tout antisémitisme. Mathilde Panot rappelle à cet effet qu’aucun des dirigeants de LFI n’a jamais été condamné pour des propos ou des actes antisémites (BFM TV, 21/06/2024). Ce faux procès en antisémitisme serait en réalité une cabale lancée par les officines sionistes contre LFI pour faire taire toute critique à l’encontre de l’Etat d’Israël.

La réponse est peut-être plus complexe que la position des uns ou des autres ne le laisse entendre.

Des « punchlines » relayant des poncifs et clichés antisémites.

LFI, dans sa communication envers son public, flirte constamment avec des poncifs et clichés antisémites. On se rappelle bien entendu du fameux dérapage assumé de Jean-Luc Mélenchon sur le « lobby juif » (« Retraite à points, Europe allemande et néolibérale, capitalisme vert, génuflexion devant les ukases arrogants des communautaristes du CRIF : c’est non »). Ou du commentaire acéré du député Aymeric Caron, ramenant Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée Nationale à sa judéité supposée et ainsi au vieux trope antisémite de la double allégeance (« le soutien inconditionnel réélu au perchoir. La honte »).

La longue liste des sorties polémiques est désormais suffisamment documentée pour en décrypter l’intention. Elles ont un sens bien précis et sont très bien comprises par le public visé. Tout en restant juste en-deca d’un propos injurieux qui tomberait sous le coup de la loi.

Bref, l’art de la communication politique.

La position radicalement antisioniste du parti

LFI se définit comme un parti radicalement antisioniste. Pour le dire assez simplement, elle considère le projet sioniste comme une entreprise criminelle coloniale et Israël comme un pays illégitime. La présence d’un Etat Juif sur toute ou partie de la Palestine équivaut à un crime d’apartheid, c’est-à-dire un crime contre l’humanité.

Remettre en question l'existence même de l'Etat d'Israël est-il antisémite ? Cela tombe en tout cas dans la définition opérationnelle de l’antisémitisme de l’IHRA approuvée le 3 décembre 2019 par l'Assemblée nationale et le 5 octobre 2021 par le Sénat français.

Les communautés juives rendues seules responsables de l’antisémitisme

LFI affirme que l’antisémitisme est devenu résiduel en France. Le racisme systémique serait ajourd'hui dirigé non plus envers les Juifs mais envers les personnes racisées.

Elle admet en revanche une corrélation entre les actes malveillants à l’encontre des communautés juives de France et le conflit au Moyen-Orient. Mais, dit-elle, c’est le soutien des communautés juives de France à Israël qui expliquerait la flambée des actes antijuifs en France. Les Juifs de France sont attaqués, non pas en tant que Juifs, mais en tant que complices d’un Etat criminel.

Et c’est là la véritable ambigüité de LFI sur l’antisémitisme : en décidant d’axer sa dernière campagne électorale européenne de 2024 sur le thème exclusif du « génocide à Gaza », elle savait pertinemment bien que cela allait exacerber le ressentiment antijuif du public racisé qu’elle visait. Mais face à la flambée des actes antisémites, elle se défend ensuite de tout antisémitisme en rejetant la faute sur les communautés juives elles-mêmes.

LFI est issue d’une famille politique qui a des relents antisémites

La position acèrbe de LFI sur les communautés juives n'est pas le fruit du hasard. Seuls les individus Juifs ayant fait sécession avec leur communauté sont dignes d’éloges. Dans l’idéologie primaire marxiste, les communautés juives, c’est-à-dire les Juifs en tant que groupe social, sont du côté du pouvoir dominant. Le mythe du Juif banquier n’est pas l’apanage de la seule extrême-droite. Il faut pouvoir relire « La Question juive » de Marx pour s’en convaincre.

Il y a aussi une histoire de l’antisémitisme à gauche.

LFI est dans une idéologie qui prône la révolution par la violence

Fidèle à la conception léniniste, LFI se voit comme l’élite révolutionnaire, le parti qui va guider le peuple vers la révolution. Pour cela, elle doit exciter le peuple pour que celui-ci prenne conscience de sa condition, se révolte et renverse le pouvoir par la force. Que les communautés juives soient les premières victimes de la révolte populaire contre le pouvoir dominant est totalement en phase avec l’idéologie dominante.

Le processus de déshumanisation des Juifs est de nouveau en marche. Les Juifs d’Israël sont aujourd'hui traités par LFI comme des génocidaires, donc des nazis.

Et, pour LFI, cette réthorique vaut également pour les citoyens français de confession juive qui manifestent leur soutien au droit à l’existence de l’Etat d’Israël. Ceux-là sont les complices d’un Etat génocidaire. Coupables, jamais victimes. C’est la signification de la petite expression que l’on entend systématiquement dans la bouche des partisans de LFI après chaque attentat contre un Juif en France ou dans le monde. Le fameux « Oui, mais ».

En cela LFI est bien un parti antisémite.

Les Juifs doivent-ils quitter l’Europe?

13/07/2024 Commentaires fermés sur Les Juifs doivent-ils quitter l’Europe? By Alain Soriano

L’Europe connait une montée inquiétante de la haine antijuive. Cette explosion de discours antisémites se manifeste non seulement dans la rue, à travers des actes de violence physique et verbale, mais aussi sur les réseaux sociaux, où les dérapages haineux se multiplient.

Les communautés juives européennes se retrouvent une nouvelle fois prises en étau, confrontées à une hostilité croissante provenant à la fois de l'extrême droite et de l'extrême gauche. Cette convergence d'attaques antisémites, qui gangrènent la société civile et politique représente une menace grave qu'il est impératif de prendre au sérieux.

La peur s'installe dans les communautés juives face à la montée de l'antisémitisme

La multiplication des actes antisémites ces derniers mois a créé un climat de peur et d'intimidation palpable au sein des communautés juives. En témoigne l'étude commanditée en 2024 par l'agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA) révélant que l'antisémitisme fait désormais partie de la vie quotidienne de pratiquement tous les sondés.  Cette situation a conduit de nombreuses familles à se poser une question qu'elles pensaient ne plus jamais devoir envisager : celle d'un nouvel exode.

Les Juifs doivent-ils quitter l’Europe tant qu’il est encore temps ? Si oui, pour aller où ?

La réponse à ces questions peut être trouvée dans l’enchaînement des événements ayant entrainé la détérioration de la situation des Juifs en Europe dans les années trente. Cette époque, comme aujourd’hui, fût marquée par une forte explosion des actes antisémites, une cristallisation politique autour de la « question juive » et un processus de déshumanisation des Juifs qui aboutit, comme on le sait, à l'exclusion des Juifs de la Cité, puis de la vie même. Quel fût le point de bascule qui aurait dû inciter les Juifd au départ? Ce moment-charnière est la promulgation par le pouvoir politique de lois antijuives mettant définitivement les Juifs au ban de la société. Le piège se referme alors définitivement. A partir de là, il est trop tard pour partir.

Pour le reformuler autrement, c’est l’adoption de mesures visant à exclure les seuls Juifs de la société qui devrait constituer, pour les communautés juives européennes contemporaines, le signal de leur départ. Pour ne pas voir l’histoire se répéter.

Le signal de départ?

Or, il se fait que ces mesures antijuives ont commencé à faire leur réapparition en Europe : boycott des universitaires et chercheurs israéliens de presque toutes les universités européennes, refus d’organiser un match de football avec l’équipe nationale israélienne en Belgique, interdiction pour les entreprises commerciales israéliennes de participer à une foire commerciale en France, déprogrammation d’artistes israéliens de festivals de musique ou de culture, etc.

Faut-il s’inquiéter de toutes ces mesures qui additionnées font d’Israël le Juif des Nations ? La question est posée.

Certains répliqueront que les Juifs d’Europe ne sont pas visés par ces mesures de rétorsion et que seuls les Juifs vivant en Israël le sont. Mais c’est exactement le discours que les Juifs de France tenaient à l’encontre des Juifs immigrés (Ostjuden) dans les années 30.  Avant que l’histoire ne les rattrape tous. L’antisémitisme ne connait pas de frontières.

D’autres jaugerons que c’est Israël qui est le problème et que sa disparition de la surface de la planète est la solution pour mettre un terme à l’antisémitisme en Europe. Ceux-là ne connaissent pas l’histoire. La haine des Juifs n’a pas attendu la création de l’Etat d’Israël pour prospérer. Et puis, une porte de sortie, c’est exactement ce qui a manqué aux Juifs d’Europe à la fin des années trente.

Jusqu’ici tout va bien.

Le « contrat social » illustré par le cas israélien

30/07/2023 Commentaires fermés sur Le « contrat social » illustré par le cas israélien By Simon Henry

C’est une banalité de le dire mais dans une démocratie, les gouvernants ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent. Le régime a d’abord et avant tout été pensé comme un moyen de limiter le pouvoir du souverain. C’est le célèbre principe dégagé par Montesquieu : la meilleure protection contre l’abus du pouvoir est la division du pouvoir. L’action du gouvernement est donc limitée par des lois et des règlements, c’est-à-dire par l’Etat de droit. Ainsi, un chef de gouvernement qui annonce qu’il ne respectera pas les décisions de la cour suprême se place en dehors du cadre légal[1] et adopte un exercice non démocratique du pouvoir.

Par ailleurs, dans une démocratie dite « libérale », l’action gouvernementale est non seulement limitée par les lois et règlement mais est également encadrée par les valeurs et principes démocratiques, qui se situent au-dessus de toute la structure institutionnelle et qui sont à la base du ralliement des citoyens au régime. C’est le contrat social au sens des théories du contrat social telle que celle du Traité du gouvernement civil de John Locke. Aux Etats-Unis, ces valeurs et principes se retrouvent inscrites dans le préambule de la constitution. En Israël, ces libertés fondamentales sont solennellement affirmées dans la déclaration d’Indépendance. Le gouvernant ne peut pas les modifier sauf à détruire le pacte social entre l’Etat et ses citoyens.

La réforme judiciaire en Israël pose la question suivante : pourquoi la coalition gouvernementale veut-elle aller jusqu’au bout de cette réforme au risque de fracturer totalement la société israélienne et de menacer la survivance même de l’Etat d’Israël ?

La réponse à cette question est à rechercher du côté des cinq partis politiques qui la composent : quatre partis politiques (Parti sioniste religieux, Force juive, Shas et Judaïsme unifié de la Torah) ont comme projet politique le remplacement du régime démocratique basé sur les libertés fondamentales par un nouveau régime politique basé sur les valeurs religieuses. Quant au cinquième et dernier parti, le Likoud, il a depuis longtemps, sous la houlette de Benjamin Netanyahou, muté pour adopter tous les codes de l’illibéralisme.

Ces cinq partis qui composent la coalition gouvernementale ne cachent d’ailleurs pas leur intention.  La modification du paysage institutionnel, via la mise hors-jeu de la cour suprême, a pour objet ultime d’intenter aux libertés fondamentales, c’est-à-dire au contrat social passé entre les citoyens et l’Etat. Telle serait d’ailleurs, selon l’actuel Ministre des Finances Bezalel Smotrich, la volonté du peuple d’Israël exprimée dans les urnes lors des dernières élections législatives en 2022: la mise en place d’une nouveau régime politique où les citoyens ne sont plus égaux entre eux et où la loi qui prédomine n’est plus l’Etat de droit (la loi des hommes) mais la Halakha (la loi de D-ieu)[2]. C’est là une application pure et dure de la « tyrannie de la majorité » pour reprendre une formule célèbre du penseur Alexis de Tocqueville.

Et les opposants à la réforme ont très bien compris le message. Le début de rupture du pacte social est incarné par une situation totalement inédite dans l’histoire du pays où de milliers de réservistes refusent désormais de servir l’armée[3]. Un des deniers sondages indique que 28% des israéliens envisagent de quitter le pays[4].

En ayant pour projet politique de modifier le contrat social initial basé sur valeurs démocratiques pour les remplacer par un nouveau contrat social basé sur des valeurs religieuses, la coalition gouvernementale est donc bien sortie du cadre de la démocratie libérale. Ça tombe bien, elle n’en n’a que faire.

[1] Amir Tibon & Ben Samuels: Netanyahu Warns He Could Ignore Supreme Court if Reasonableness Clause Reinstated, Haaretz, Jul 27, 2023

[2] Yair Sheleg :  “The burden of Proof”, The Israel Democracy Institute, Jul. 2019; David Rosenberg : “What Israel’s Next Finance Minister Means When He Promises Torah-guided Economics”, Haaretz, Dec. 2022; Sharon Roffe Ofir: “Israel will be replaced by a halachic state”, Jerusalem Post, Dec. 2022.

[3] Another 10,000 IDF reservists announce they won’t serve anymore, Jerusalem Post, Jul 23, 2023.

[4] 28% of Israelis considering leaving the country amid judicial upheaval — poll, times of Israel, Time of Israel, Jul 23, 2023.

La « règle de la majorité » illustrée par le cas israélien

30/07/2023 Commentaires fermés sur La « règle de la majorité » illustrée par le cas israélien By Céline Lagrange

La réforme judiciaire qui fracture la société israélienne présente l’intérêt de remettre la démocratie au centre des débats. Chaque camp tente de se réapproprier le mot lui permettant subséquemment de jeter l’anathème sur son adversaire. Ainsi, les membres de la coalition gouvernementale proclament qu’ils ont été élus démocratiquement lors des élections législatives de 2022 et qu’ils ont la légitimité nécessaire pour engager la réforme puisqu’ils disposent d’une majorité de 64 députés sur 120 à la Knesset (le parlement). Les manifestations des opposants à la réforme, le blocage des autoroutes, les grèves, les menaces des réservistes de ne plus servir l’armée, etc. ne seraient qu’une tentative éhontée des partis de l’opposition d’aller à l’encontre de la volonté du peuple exprimée par les urnes.

La coalition gouvernementale a raison de rappeler que la règle de la majorité est une règle essentielle dans une démocratie. Encore faut-il savoir de quelle majorité on parle. Un gouvernement aux affaires sait qu’une partie de la population n’a pas voté pour son programme. Pour que ses décisions puissent être acceptées par la grande majorité de la population, il va devoir trouver un difficile point d’équilibre entre la satisfaction de son camp d’une part et la sauvegarde de la cohésion nationale d’autre part. L’essence d’une démocratie est un exercice modéré du pouvoir. Ce qui suppose la recherche constante de consensus. Là se trouve la base de ralliement des minorités à la règle de la majorité. Voilà ce qu’est la démocratie : elle est dans le consentement de la très grande majorité de la population qui accepte les règles du jeu qui ne lui sont pas nécessairement favorables.

Un sondage avant le vote de la réforme indiquait que 64% des israéliens étaient pour la recherche d’un compromis[1]. Pourtant, les partis politiques de la coalition ont finalement décidé de se passer des partis de l’opposition et de voter, seuls, le premier volet de la réforme. Or c’est ici que se trouve l’erreur d’appréciation d gouvernement. La règle de la majorité utilisée par la coalition gouvernementale pour faire passer sa réforme judiciaire était légalement admissible (sauf si la cour suprême vient elle-même dans les prochains mois à l’invalider) mais politiquement erronée. En démocratie, il y a la loi d’un côté et la pratique du pouvoir de l’autre. Lorsqu’un gouvernant entend modifier une règle du jeu majeure, ce qui est le cas lorsqu’il touche à l’équilibre des pouvoirs et donc au paysage institutionnel du pays, il ne peut pas le faire sur base du seul consentement de son camp mais doit aller au-delà de ce dernier pour conserver la cohésion nationale. Pour faire accepter sa décision sans fracturer la société israélienne, la coalition gouvernementale aurait dû rechercher le consentement de la grande majorité de la population et non pas la majorité de son propre camp par l’utilisation d’une règle de majorité alternative à celle utilisée.

C’est ce que le gouvernement n’a pas voulu entendre le 25 juillet 2023 en votant le premier pan de sa vaste réforme dans un Parlement vidé de tous les partis d’opposition avec un résultat symbolique de 64 voix pour et de 0 voix contre.  En décidant de procéder de la sorte, la coalition gouvernementale a bien fait usage d’une pratique non démocratique de l’exercice du pouvoir.

Avec pour résultats deux effets mécaniques immédiats : la cohésion nationale s’est effritée à une vitesse telle que même que même le chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah n’aurait jamais imaginé dans ses rêves les plus roses. Et la coalition gouvernementale a perdu une grande partie de sa légitimité[2] qui est pourtant essentielle pour gouverner (selon de très nombreux sondages la coalition actuelle est désormais donnée perdante et ne recueillerait plus que 52 sièges en cas de nouvelles élections)[3].

Le gouvernement israélien avait donc parfaitement raison de proclamer qu’en démocratie, c’est la règle de la majorité qui l’emporte. Il s’est juste trompé de règle.

[1] Prof. Tamar Hermann, Dr. Or Anabi: Only a Minority of Israelis Support the Proposed Judicial Overhaul, The Israel Democracy Institute, Feb 21, 2023

[2] Defeat the dictatorship’: Judicial reform protests resume across Israel, Jerusalem Post, Jul. 29, 2023

[3] Post Judicial Coup Election Polls Give Gantz 30 Seats, Netanyahu’s Gov’t Losing Majority, Haaretz, Jul 25, 2023, Half of Israelis think Ben-Gvir should be fired – poll, Jerusalem Post, March 12, 2023; Netanyahu’s Likud party plummets in local news poll, Reuters, Apr. 10, 2023

Réforme judiciaire en Israël : une formidable opportunité … pour la paix avec les Palestiniens ?

29/06/2023 Commentaires fermés sur Réforme judiciaire en Israël : une formidable opportunité … pour la paix avec les Palestiniens ? By Alain Soriano

Cela fait maintenant plus de six mois que des dizaines de milliers d’Israéliens manifestent inlassablement chaque samedi soir dans la rue Kaplan de Tel-Aviv contre la réforme judiciaire. Un rituel s’est installé dans la capitale économique et culturelle du pays : début du cortège vers 19h30 chacun apportant son drapeau israélien, deux ou trois slogans chantés, déclarations politiques sur grand écran puis retour chez soi vers 22h jusqu’au week-end prochain). Jamais une manifestation réunissant chaque semaine entre 150.000 et 250.000 personnes n’aura durée aussi longtemps dans un pays occidental. Contrairement à une idée savamment entretenue par les membres de la coalition gouvernementale en place, ces manifestants ne sont pas des « gauchistes ». La gauche n’existe plus depuis longtemps en Israël !

Ceux et celles qui descendent chaque samedi à Tel-Aviv sont en réalité des démocrates à l’avant-garde du combat contre les forces populistes arrivées début de l’année 2023 au pouvoir en Israël. Le pays est, depuis l’élection, coupé en deux et à la croisée des chemins : soit Israël se maintient dans le giron des démocraties libérales, soit il bascule dans un nouveau régime politique  gouverné par la loi de D-ieu et le suprémacisme juif. Les manifestants de la rue Kaplan jouent donc l’avenir du pays.

La question palestinienne est pourtant quasi absente dans les manifestations. Cela s’explique par le fait que depuis la deuxième Intifada, les Israéliens se sont laissés convaincre, à tort ou à raison, qu’il était vain de chercher un partenaire palestinien pour la paix et que la seule solution acceptable passait non pas par un accord de paix mais par le maintien d’un conflit à basse intensité ». Pendant 20 ans, les Israéliens ont donc vaqué à leurs occupations quotidiennes tout en confiant aux gouvernements successifs de droite comme de gauche la mise en place de mesures coercitives fortes pour maintenir l’adversaire à distance respectable. Cette approche a été payante puisque le conflit israélo-palestinien qui structurait la vie politique israélienne jusque dans les années 2000 a, depuis, quasiment disparu des débats publiques. Pendant ce temps, la droite ultra-nationaliste et messianique avançait et commençait à gangréner la société civile israélienne. Au point d’arriver au pouvoir lors des dernières élections législatives.

Le réveil des démocrates est donc brutal. Mais la tentative du gouvernement le plus extrémiste de l’histoire d’Israël de modifier le régime politique pourrait bien in fine…déboucher sur une nouveau processus de paix avec les Palestiniens. Celles et ceux qui manifestent rue Kaplan les samedis soirs ne le savent pas encore, mais la question palestinienne va bientôt leur revenir en boomerang. Tous luttent pour le maintien des fondements démocratiques du pays. « DE-MO-KRA-TIA » est le slogan entonné chaque samedi soir. Or par démocratie, il faut entendre a minima Etat de droit, égalité des droits entre les citoyens et extension des libertés individuelles (notamment les droits des LGBTQ+). Ces principes démocratiques sont universels et ne s’adressent pas seulement à la population juive. Les manifestants ne peuvent pas vouloir le maintien de la démocratie israélienne tout en maintenant un régime d’occupation et d’oppression de 2 millions Palestiniens en Cisjordanie. Démocratie et occupation ne sont pas compatibles.

Lorsque les démocrates israéliens comprendront que les extrémistes juifs qu’ils combattent aujourd’hui politiquement sont les mêmes qui peuplent les colonies les plus reculées de Cisjordanie et qu’ils sont obligés de les défendre au péril de leur vie ou de celle de leurs enfants, gageons qu’une solution pérenne au conflit avec les Palestiniens se retrouvera à nouveau sur la table. Quelques pancartes et slogans en relation avec l’occupation mais aussi avec le droit des femmes et le mouvement LGBTQ+ commencent à fleurir dans les manifestations de la rue Kaplan. En démocratie tout est lié. C’est bon signe.

Réforme judiciaire en Israël : les Juifs de Diaspora doivent sortir d’urgence de leur devoir de réserve.

24/06/2023 Commentaires fermés sur Réforme judiciaire en Israël : les Juifs de Diaspora doivent sortir d’urgence de leur devoir de réserve. By Alain Soriano

Les défenseurs de l’Etat d’Israël aiment rappeler que ce tout petit pays à l’échelle de la planète est une pointure internationale dans de nombreux domaines : high tech, agriculture, technologie militaire, scientifique, médical, etc. Bref, une réussite et un motif de fierté pour de nombreux Juifs de Diaspora.

Mais ce qu’ils ignorent peut-être, c’est que l’Etat hébreu peut aujourd’hui se targuer d’être également en avance sur son temps dans le domaine politique. Tous les pays occidentaux sont confrontés à la montée des populismes et à la possible arrivée au pouvoir d’hommes n’ayant pas pour horizon politique le maintien du régime de la démocratie libérale. Israël est un précurseur sur le sujet puisque les populistes sont, depuis les dernières élections législatives de 2022, au cœur même des institutions démocratiques et en ont commencé le démantèlement : attaques incessantes contre l’intégrité des hauts fonctionnaires, y compris le procureur général et le gouverneur de la Banque d’Israël[1], pillage de milliards de shekels du budget de l’Etat pour financer des projets nationalistes et des écoles ultra-orthodoxes qui refusent d’enseigner les matières générales[2]. transformation de la police en milice politique fonctionnant selon les caprices d’un ministre raciste (Itamar Bern Gvir)[3], transfert des pouvoirs « civils » dans les colonies de Cisjordanie à un ministre colonisateur (Bezalel Smotrich)[4], relecture de tous les manuels scolaires par un membre du gouvernement ouvertement homophobe (Avi Maoz)[5]. La liste des lois liberticides s’allonge de jour en jour et l’Etat de droit vacille en Israël.

Si le ministre de la Justice Yariv Levin arrive à ses fins et fait voter son projet de réforme judiciaire visant à neutraliser la Cour suprême, Israël obtiendrait la palme du tout premier pays occidental à sortir définitivement du régime politique de la démocratie libérale. Sans la Cour Suprême pour se dresser sur sa route, la coalition gouvernementale actuellement en place en Israël aura les mains libres et pourra à sa guise sortir de l’Etat de droit, faire main basse sur tout le territoire de la Palestine biblique et y instaurer la loi de Moïse. Telle est d’ailleurs, selon l’actuel ministre des Finances Bezalel Smotrich, la volonté du peuple d’Israël exprimée dans les urnes lors des dernières élections législatives: la mise en place d’une nouveau régime où les citoyens ne sont plus égaux entre eux et où la loi qui prédomine n’est plus l’Etat de droit (la loi des hommes) mais la Halakha (la loi de D-ieu)[6]. C’est là une application pure et dure de la « tyrannie de la majorité » pour reprendre une formule célèbre du penseur Alexis de Tocqueville. Bref, l’opposé d’un régime démocratique. De quoi faire rugir de plaisir Donald Trump et tous les suprémacistes blancs américains (Mike Pence, Ron DeSantis, etc.) qui se présentent les uns après les autres à l’investiture du parti républicain aux Etats-Unis.

Et les Juifs de Diaspora dans tout cela ? Aux Etats-Unis, ils protestent massivement contre les projets du gouvernement israélien au point que l’on évoque désormais une véritable cassure entre les Juifs américains et Israël[7]. En Europe, la situation est différente pour des raisons historiques. Un procès en illégitimité est généralement intenté aux Juifs de Diaspora qui osent adopter une position critique à l’égard de l’Etat d’Israël. Sauf que cette fois, la réforme judiciaire ne concerne pas une affaire intérieure mais le cadre général même de l’Etat d’Israël, c’est-à-dire le pacte commun qui fait liaison entre les Juifs d’Israël et les Juifs de Diaspora. Le projet sioniste tel qu’imaginé par les Pères fondateurs (Herzl, Ben Gourion, etc.) est remis en cause par une coalition gouvernementale qui a un autre projet politique pour Israël. Face à ce danger existentiel, les Juifs de Diaspora ont l’obligation morale de sortir de leur devoir de réserve qui frise aujourd’hui le ridicule et de stopper par tous les moyens ce projet destructeur.

Car que les Juifs de Diaspora ne s’y trompent pas, si le projet de réforme judiciaire est voté, ce sera le prélude en Israël, soit à la guerre civile (le point de bascule a déjà failli avoir lieu en mars lorsque Benjamin Netanyahou a limogé son ministre de la Défense avant de se raviser face à la colère de la rue, la fronde de l’armée et l’annonce de la grève générale illimitée décrétée par le puissant syndicat Histadrouth), soit à un exode massif des Israéliens démocrates qui ne voudront pas vivre dans une théocratie. Avec en prime une restriction drastique de la Loi du Retour. Les ennemis d’Israël, et ils sont nombreux, se frottent déjà les mains.

[1]Israeli Minister Blasts Bank of Israel Governor as a ‘Savage’”, Haaretz, Jun. 2023;

[2] Ilan Ben Zion: “Israel’s Netanyahu and allies pass new budget with sweeping grants for settlements, ultra-Orthodox”, May 2023, Associated Press (AP);

[3] Dan Williams: “Israël autorise la création d’une garde nationale réclamée par Ben-Gvir » ; Avr. 2023, Reuters ;

[4] Udi Dekel: “From Slow to Accelerated Annexation: Transferring the Civil Administration from the Minister of Defense to the Minister of Settlement”, Dec. 2022, Institute for National Security Studies (INSS);

[5] Lior Dattel: “Far-right Homophobic MK Avi Maoz Is Back in Israel’s Schools to Monitor Curriculum, Administrators”, May 2023, Haaretz;

[6] Yair Sheleg :  “The burden of Proof”, The Israel Democracy Institute, Jul. 2019; David Rosenberg : “What Israel’s Next Finance Minister Means When He Promises Torah-guided Economics”, Haaretz, Dec. 2022; Sharon Roffe Ofir: “Israel will be replaced by a halachic state”, Jerusalem Post, Dec. 2022.

[7] Yitz Greenberg: “Smotrich, Ben-Gvir are damaging Israel’s Jewish character”, Jerusalem Post, Oct. 2022

De quoi BDS est-il le nom?

20/10/2019 Commentaires fermés sur De quoi BDS est-il le nom? By Alain Soriano

La séquence politico-historique que nous vivons actuellement au Moyen-Orient est marquée par le naufrage du processus de paix d’Oslo entamé début des années quatre-vingt-dix qui avait pour ambition de régler le conflit israélo-palestinien par la création de « deux Etats indépendants vivant côte-à-côte dans des frontières sûres et reconnues ». La parenthèse d’Oslo presque refermée, d’autres propositions sont désormais posées sur la table pour régler ce que certains considèrent désormais le plus vieux conflit du monde : Etat binational, annexion unilatérale par Israël d’une partie des territoires situés de l’autre côté de la ligne verte de 1967, plan de paix américain, dit plan Kushner, dont le volet économique fut dévoilé lors d’une conférence à Bahreïn en juin 2019 tandis que son volet politique était dans le même temps renvoyé aux calendes grecques, etc.

L'irruption de BDS sur le devant de la scène

C’est dans ce contexte particulier que naît, se développe et désormais prospère la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions, plus connue sous son acronyme BDS. Il s’agit d’une initiative lancée par un collectif regroupant 172 organisations et associations issues de la société civile palestinienne dont la Charte appelle la communauté internationale à boycotter l’Etat d’Israël jusqu’à ce que ce dernier respecte le droit international et mette un terme à l’occupation et à la colonisation.

Les oranges de l'apartheid

Dans les années 80, L’ANC de Nelson Mandela lançait un appel solennel aux Occidentaux pour boycotter les « oranges de l’Apartheid » en Afrique du Sud. Depuis le début de ce millénaire, BDS leur demande de poursuivre le même combat en boycottant cette fois les oranges de Jaffa. A l’instar des oranges sud-africaines, elles paraissent belles et juteuses mais la lecture de leur étiquette sur l’emballage révèle qu’elles proviennent en réalité d’un pays occupant qui oppresse un autre peuple.

BDS semble de prime abord aussi alléchant qu’une orange de Jaffa. Il dispose, sur le papier du moins, de tous les attributs pour combler les partisans à la recherche d’une solution politique négociée devant apporter la paix et la prospérité aux peuples de la région : le collectif se définit comme un mouvement citoyen dont l’action est ancrée dans les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme, se dit novateur, performatif, pacifiste et antiraciste. Il se battrait uniquement pour que triomphe le respect du droit, de l’égalité et de la justice.

Il reste en revanche à vérifier soigneusement qu’il n’y a pas tromperie sur la marchandise et que la tenue d’apparat dans laquelle se drape BDS pour façonner son image auprès de la communauté internationale corresponde bien à la réalité. En analysant les différentes campagnes de boycott, on s’aperçoit très rapidement que le message envoyé par le collectif palestinien n’est pas aussi clair qu’il n’y paraît. Soutient-il la solution politique de deux Etats ou nourrit-il d’autres ambitions ? Est-il le digne pendant du mouvement pacifiste israélien Shalom Archav ? Son boycott serait-il l’arme pacifique brandie par les plus faibles, les Palestiniens, devant permettre de rééquilibrer le rapport de force et contraindre le plus fort, Israël, au compris final ? Rien n’est moins sûr.

Une question sensible

L’objet même de notre étude est, nous le savons, une matière hautement inflammable. Comme tout ce qui touche de près ou de loin le conflit israélo-palestinien, les campagnes de boycott de BDS suscitent des débats passionnés dans le camp de ses partisans comme dans celui de ses détracteurs. Pour ses supporters, le collectif palestinien devrait recevoir le prix Nobel de la Paix tandis que pour le gouvernement israélien, preuves à l’appui, il ne s’agirait que d’un nid de terroristes. Quant à la grande majorité des représentants des communautés juives de Diaspora, l’antisionisme radical affiché par BDS ne serait que la face cachée de l’antisémitisme. Il convient de sortir de ces schémas de pensées qui empêchent d’analyser le collectif palestinien correctement.

Notre étude est destinée aux décideurs politiques mais également aux commentateurs (journalistes, experts, etc.) et plus généralement à tout eux qui souhaitent comprendre qui sont les acteurs et quels sont les véritables enjeux qui se cachent derrière la campagne de boycott de BDS. Elle a pour ambition de décrypter la mécanique de ce collectif palestinien et de proposer ensuite une toute nouvelle grille de lecture du mouvement : qui pilote BDS ? Comment le mouvement est-il structuré et organisé ? Quelles sont ses revendications politiques ? Est-il novateur ? Quelles sont ses filiations historiques ? Quelles sont les thématiques qui tournent en boucle dans toutes les campagnes de boycott ? Quelles sont les lignes directrices du boycott culturel et académique ? Etc.

Bref, de quoi BDS est-il le nom ?

Boycott d’Israël – BDS – ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE

24/06/2019 Commentaires fermés sur Boycott d’Israël – BDS – ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE By CERSP

BDS EN GENERAL

Joël Kotek & Alain Soriano (préface de Philippe Val): "De quoi le boycott d'Israël est-il le nom?", Ed. la boîte à pandore, Octobre 2020

Alain Soriano: "De quoi le boycott d'Israël est-il le nom?"; conférence en ligne, CCLJ, Novembre 2020

Le CRIF en conversation avec ... Joël Kotek et Alain Soriano, Septembre 2020

Omar Barghouti: "Why Americans Should Support BDS?", The Nation, July 2019

State of Israel, Ministry of Strategic Affairs and Public Diplomacy: "Special Report The ties between NGOs promoting BDS and terror organizations", February 2019

State of Israel, Ministry of Strategic Affairs and Public Diplomacy: "Special Report The European Union Financing Of Organizations Promoting Boycotts Against The State Of Israel", January 2019

Nathan Thrall: "BDS: how a controversial non-violent movement has transformed the Israeli-Palestinian debate", The Guardian, August 2018

Omar Barghouti: "Boycott is best response to illegal Israeli killings", The Irish Time, May 2018

Omar Barghouti : « La campagne B.D.S. vise à forcer Israël à se conformer au droit », L’Humanité, janvier 2017

Herman De Ley : « Le boycott d’Israël (B.D.S.), un devoir moral », BACBI-Dossier N° 3

Omar Barghouti: “ B.D.S.: Discussing Difficult Issues in a Fast-Growing Movement”, Al-Shabaka, juin 2016

Laurent Joffrin: "Les dessous d'un boycott", Libération, août 2015

Romain Geoffroy : « Qu’est-ce que le mouvement B.D.S., à l’origine des appels au boycott d’Israël ? », Le Monde, novembre 2015

Omar Barghouti « Face à Israël, la France est hypocrite », interview parue dans Le Monde, juillet 2015

Tia Goldenberg : “Boycott drive gains strength, raising alarm in Israel”, Associated Press, July 2015

Ramis Younis: "Interview : Omar Barghouti, l’homme à la base du mouvement BDS", juin 2015

Julien Salingue: "Alarmes israéliennes », Le Monde diplomatique", juin 2014

Catherine Gouëset: "Pourquoi le boycott commence à faire peur à Israël ", L'Express, Février 2014

Marc Tracy: “With All the Boycott Israel Talk, What is BDS?”, in New Republic, février 2014

Arthur Remion, « Le boycott économique, politique ou culturel d’Israël, une tendance en expansion », Le Huffington Post, août 2014

Willy Le Devin et Dominitque Albertini, « Les appels au boycott des produits israéliens ont-ils un effet ? », Libération, août 2014

Laurent Zecchini: « Le succès d’une campagne internationale de boycottage inquiète Israël », Le Monde, décembre 2013

Tribune: "Boycotter Israël, c’est lutter pour une paix juste", Le Monde, Novembre 2010

Tribune : "Le boycott d'Israël est une arme indigne" Le Monde, Novembre 2010

Omar Barghouti : "BDS contre l’apartheid et l’occupation de la Palestine", éd. La Fabrique, 2010

N. Erakat, « B.D.S. in the USA, 2001 – 2010 » in Middle East Report (MER), 2010

Omar Barghouti: “Relative Humanity: “The fundamental Obstacle to One-State Solution in Historic Palestine (1/2)”, in The Electronic Intifada, janvier 2004

APPEL DE PERSONNALITES AU BOYCOTT D'ISRAEL

Tribune publiée dans le monde : « Boycotter Israël, c’est lutter pour une paix juste », novembre 2010 en soutien à l’appel palestinien « Boycott, Désinvestissement, Sanctions » de 2005 et signée en autre par Olivier Besancenot et Clémentine Autain.

Missive signée par 358 organisations européennes de défense des droits de l’Homme, des églises, des syndicats et des partis politiques adressée à la Commission européenne pour dénoncer la tentative de criminalisation de B.D.S. et marquer leur soutien au collectif palestinien ;

La déclaration de la F.I.D.H. reconnaissant et réaffirmant le droit des personnes à participer pacifiquement et à appeler à des mesures de B.D.S. pour protester contre les politiques d’occupation et de discrimination du gouvernement israélien.

Omar Barghouti: "Radiohead is art-washing Israeli apartheid", Al-Jazeera, July 2017

BDS & LE PROCESSUS DE PAIX

Communiqué du BNC du 02/11/2017

Omar Barghouti: "For Palestinians, the 1967 War Remains an Enduring, Painful Wound", The Nation, June 2017

Ben Dror Yemini and Asaf Gibor, « Abu Mazn Surprises : ‘We Do Not Support Boycott of Israel‘ » NRG, décembre 2013

Omar Barghouti: “Relative Humanity: “The fundamental Obstacle to One-State Solution in Historic Palestine (1/2)”, in The Electronic Intifada, janvier 2004

Déclaration co-signée par O. Barghouti: "The One State Declaration", in the Electronic Intifada

Déclaration co-signée par O. Barghouti: “Don’t deny our rights: open letter to Mahmoud Abbas ”, The Electronic Intifada, juillet 2010

Omar Barghouti : « Dissolve the Palestinian Authority », Counter Punch, Octobre 2009

SodaStream

Ahava

G4S

Caterpillar

BDS & LE BOYCOTT CULTUREL

Appel au boycott culturel

Françoise Feugas, « Derrière la vitrine culturelle, une intolérable occupation », mai 2017

Jean Stern : « Mirage gay à Tel-Aviv », Ed. Libertalia, Paris, 2017

Déclaration du PACBI : « Les universités israéliennes profondément impliquées dans le massacre de Gaza : Boycott universitaire maintenant », août 2014

R.T. avec AFP : « La participation d’une israélienne à un festival marocain fait polémique, elle répond », Le Parisien, Septembre 2017

Richard Falk : « Israel’s New Cultural War of Aggression" May 2017

Lettre ouverte de BDS France pour dénoncer l’invitation d’un danseur israélien à la Biennale de la danse : « on ne danse pas avec l’apartheid », septembre 2016

Communiqué de BDS France : « La musique Klezmer ne doit pas être instrumentalisée par un Etat-voyou », septembre 2015

Anshel Pfeffer : “Academic boycotter to study in Tel Aviv”, The Jewish Chronicle online, April 2009

Lettre de l’AUDRIP au directeur de Sciences Po Rennes, disponible sur www.audrip.fr

ANTISIONISME VS ANTISEMITISME

Shany Mor: "Une forme d’antisionisme relève moins d’une idéologie que d’une vision du monde plaçant Israël au cœur du mal », Le Monde, Décembre 2019

 

 

 

Le boycott culturel d’Israël par BDS

28/04/2019 Commentaires fermés sur Le boycott culturel d’Israël par BDS By CERSP

Une initiative du PACBI

Le boycott culturel international d’Israël est une initiative lancée par un collectif regroupant des universitaires, artistes et autres intellectuels palestiniens, le PACBI[1], à la suite du Forum des ONG de Durban de 2001. Co-fondé par Omar Barghouti, il demande à la communauté internationale de boycotter l’ensemble des activités culturelles ou festives organisées en Israël, allant des festivals cinématographies à des expositions d’art, en passant par des performances musicales et de danses, conférences, etc., ainsi que les manifestations internationales commanditées, financées ou parrainées par Israël.

Le PACBI exhorte les travailleurs culturels internationaux(artistes, écrivains, cinéastes) et les organisations culturelles, y compris les syndicats et les associations, dans la mesure du possible, à boycotter et/ou à œuvrer en faveur de l'annulation d'événements, d'activités, d'accords ou de projets impliquant Israël, ses groupes de lobbying ou ses institutions culturelles, ou qui, d'une autre manière, favorisent la normalisation d'Israël dans la sphère culturelle mondiale, blanchissent les violations par Israël du droit international et des droits des Palestiniens ou violent les directives du BDS.

Source: PACBI Statement: "Guidelines for the International Cultural Boycott of Israel ", July 2014 (trad. libre)

Trois axes

Les lignes directrices édictées par BDS pour le boycott culturel international d’Israël tournent autour de trois axes majeurs :

1. La culture permettrait d'occulter les crimes d'Israël

Par présomption, toutes les institutions culturelles israéliennes sont les complices du régime sioniste.

Les institutions culturelles israéliennes font partie intégrante de l'échafaudage idéologique et institutionnel du régime israélien d'occupation, de colonisation et d'apartheid contre le peuple palestinien. Par leur silence ou leur participation active, ces institutions sont clairement impliquées dans le soutien, la justification et le blanchissement de l'occupation israélienne et le déni systématique des droits des Palestiniens.

F.A.Q.: "How are Israel cultural institutions complicit in Israeli violations of Palestinian rights? " (trad. libre)

BDS interdit à quiconque le droit d’assister ou de participer à des activités culturelles réalisées sur le territoire israélien (par ex. l’Eurovision 2019, Gay-Pride, etc.) car cela contribue « à donner la fausse impression qu’Israël est un pays normal ».

2. La culture serait un outil de propagande (Hasbara)

La culture est exclusivement perçue comme un instrument de propagande visant à donner une image positive d’Israël (Hasbara). Elle ferait partie d’un vaste plan marketing ourdi par les plus hautes instances de l’Etat hébreu pour redorer son blason à l’étranger[2]. BDS interdit dès lors à quiconque le droit d’assister ou de participer à des manifestations culturelles internationales (par ex. Tel-Aviv sur Plage à Paris) commanditées, parrainées ou financées par Israël ou ses officines locales car cela ferait partie de son plan machiavélique « visant à améliorer son image » et développer ainsi la « marque Israël » à l’étranger.

Pour cette même raison, BDS refuse toute collusion avec les pacifistes et intellectuels israéliens. Les élites culturelles et universitaires sont « naturellement » les fers de lance de la « hasbara » version marketing. Israël leur assigne en permanence la « mission de contribuer à la lutte contre la délégitimation en apparaissant à l’étranger comme les représentants d’une culture pluraliste, créative et dynamique »[3].

3. La culture modifierait le paradigme du conflit

La culture n’est jamais vue comme un moyen pacifiste de rapprocher les peuples. Pour BDS, le rapport entre Israéliens et Palestiniens est basé sur le paradigme oppresseur/opprimé. Les productions artistiques mixtes israélo-palestiniennes doivent être boycottées car elles contribuent « à donner la fausse impression que les parties au conflit sont égales entre elles » et viennent de ce fait modifier le paradigme originel en mettant les deux parties sur un plan symétrique, toutes deux « responsables du conflit »[4].

Toutes les activités culturelles, projets, événements et produits impliquant des Palestiniens et ou d'autres arabes d'une part et des Israéliens de l'autre et qui sont fondés sur le faux principe de symétrie entre les oppresseurs et les opprimés ou qui laisseraient entendre que les deux, colonisateurs et les colonisés, sont co-responsables du " conflit" sont des formes de normalisation intellectuellement malhonnêtes et moralement répréhensibles qui devraient être boycottées. Loin de remettre en cause le statu quo injuste, de tels projets contribuent à son renforcement.


PACBI Statement: "Guidelines for the International Cultural Boycott of Israel ", July 2014 (trad. libre)


[1] Palestinian Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israel

[2] Nathaniel Popper : “Israel Aims to Improve its Public Image”, Forward, October 2005.

[3] Françoise Feugas, « Derrière la vitrine culturelle, une intolérable occupation », 19 mai 2017

[4] PACBI Statement : « Israel’s Exceptionalism : Normalizing the Abnormal”, October 2011

Boycott économique total ou partiel ? Que veut BDS?

Pourquoi BDS appelle-t-il au boycott économique total d’Israël et pas uniquement des produits fabriqués dans les colonies implantées en Cisjordanie occupée ?  La réponse à cette question doit être recherchée du côté de l’objectif du mouvement et des revendications formulées dans sa Charte (1).

L'étiquetage des produits fabriqués dans les colonies

L’Union européenne a pris la décision en 2015 d’étiqueter les produits originaires des colonies israéliennes implantées en Cisjordanie occupée au grand dam du gouvernement israélien (2). Cet étiquetage est un signal politique clair envoyé par les pays européens à l’Etat hébreu, une ligne rouge : les colonies sont jugées illégales au regard du droit international. Partant, les produits qui y sont fabriqués ne sont pas des produits fabriqués en Israël et ne peuvent pas bénéficier des accords de libre-échanges et des tarifs douaniers préférentiels conclus entre Israël et l’Union Européenne.

L’idée selon laquelle la communauté internationale doit faire pression sur Israël pour conclure un accord de paix avant qu’il ne soit trop tard peut paraître séduisante pour certains partisans d’une solution à deux Etats. Cette pression aurait pour objectif de corriger le rapport de force en faveur de la partie palestinienne la plus faible en forçant Israël à accepter un compromis historique équilibré qui satisfasse in fine les deux parties. Dans le cadre de cet horizon politique, l'étiquetage des produits fabriqués dans les colonies pourrait se révéler un moyen d’action efficace, n’en déplaise aux Israéliens.

Le boycott économique total

Contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, le collectif palestinien BDS n’appelle pas au seul boycott des produits fabriqués par des entreprises israéliennes dans des colonies implantées en Cisjordanie occupée mais demande aux consommateurs occidentaux de boycotter toutes les entreprises israéliennes et toutes les entreprises occidentales qui participent activement à l’économie israélienne (3).

Cet appel au boycott intégral doit être mis en perspective avec les objectifs du mouvement et des revendications formulées dans sa Charte. BDS est un mouvement qui se revendique radicalement antisioniste. Il considère que le caractère juif de l’Etat d’Israël doit être abandonné, de gré ou de force, par les Israéliens, car il empêche l’autodétermination du peuple Palestinien. La résolution du conflit israélo-palestinien passe donc de facto par une solution à un seul Etat et non pas par une solution à deux Etats. Dans le cadre de cet horizon politique où la paix se fait sans Israël, le boycott intégral prend tout son sens puisqu’il vise à étrangler économiquement l’Etat hébreu jusqu’à ce qu’il capitule et abandonne son caractère juif.

Le but de BDS n’est donc de
corriger le rapport de force pour forcer Israël à un compromis historique avec
les Palestiniens. Son objectif est d’engager une épreuve de force avec Israël en vue de le contraindre à abandonner
ce qui constitue le fondement même de son existence, son caractère juif.

Le choix du boycott : pacifique ou belliqueux

En France, de nombreux corps intermédiaires, partis politiques (EELV, LFI, NPA), syndicats (CGT), ONG (Oxfam, Attac), associations caritatives, etc., de mêmes que de nombreuses personnalités politiques ou de la société du spectacle ont apporté ces dernières années leur soutien aux campagnes de boycott lancées par le collectif palestinien BDS.

Mais comme nous l’avons vu, le boycott économique peut être un moyen pacifique pour arriver à la paix avec Israël ou un moyen belliqueux pour arriver à la paix mais sans Israël. Aussi, il serait bon que les supporteurs de BDS lèvent rapidement toute ambiguïté sur les fondements de leur soutien. Si l’objectif de leur boycott vise à rétablir un rapport de force plus favorable pour les Palestiniens dans le cadre de la relance d’un processus de paix visant à la création de deux Etats, alors ils doivent impérativement s’écarter du boycott préconisé par BDS, voire même le dénoncer. Si par contre leur soutien au boycott belliqueux prôné par BDS a bien pour objectif de créer une épreuve de force en vue d’obtenir la reddition forcée des Israéliens dans le cadre d’une solution imposée à un seul Etat où le sort des 7.000.000 de Juifs n’est pas encore fixé, alors ils ont frappé à la bonne porte.


(1) S. Henry: "Quelles sont les revendications précises de BDS?", CERSP, février 2019

(2) P. Smolar: “L’étiquetage par l’UE des produits fabriqués dans les colonies provoque la fureur d’Israël », Le monde, Novembre 2015.

(3) FAQs: "Does BDS call for a boycott of the whole of Israel or just the illegal settlements?", www.bdsmovement.org

[4]: Laurent Joffrin: "BDS: les dessous d'un boycott", Libération, août 2015; Martine Gozlan : "Ce que cache le boycott d'Israël", Marianne, mai 2016.