L’objectif de BDS? La création d’un Etat unique
Quel est l'objectif de la campagne de boycott internationale lancée par BDS? Dans sa Foire Aux Questions (1), il présente sa campagne de boycott non pas comme un combat de nature politique mais comme une lutte pour le respect du droit, de l’égalité et de la justice. Il entend ainsi convaincre la communauté internationale que la paix entre Israéliens et Palestiniens ne passe pas par des « négociations de paix » devant aboutir à un accord politique entre les deux belligérants mais par le seul et strict respect par l’Etat d’Israël du droit international et des droits humains des Palestiniens.
Les trois revendications de BDS
Le collectif palestinien énumère dans sa Charte trois revendications sine qua non pour réaliser le droit à l’autodétermination des Palestiniens : 1) la fin de l’occupation et de la colonisation de tous les territoires arabes,2) le retour sans conditions de l’ensemble des réfugiés palestiniens à l’intérieur des frontières de l’Etat d’Israël ; et 3) l’égalité complète des droits pour les citoyens arabo-palestiniens vivant en Israël. Les mesures punitives de boycott sont là pour contraindre les Israéliens à accepter, de gré ou de force, ces revendications. (2)
La bonne grille de lecture des revendications
Ces trois revendications ne peuvent être comprises que si elles sont replacées dans le cadre de la lutte menée par le collectif palestinien contre la création originelle de l’Etat d’Israël, c’est-à-dire contre l’idée selon laquelle les Juifs puissent être majoritaires et avoir un droit au retour sur une partie du territoire de la Palestine historique. BDS est en effet un mouvement qui se revendique radicalement et farouchement antisioniste. Replacées dans le contexte de sa lutte pour la désionisation de l’Etat d’Israël, les trois revendications du collectif palestinien prennent alors une tournure beaucoup plus politique qu’ilne le prétend :
- La fin de l’occupation et de la colonisation de l’ensemble des territoires arabes ne vise pas uniquement des territoires palestiniens occupées par Israël depuis 1967 (Cisjordanie et bande de Gaza qui peut également comprendre un échange mineur de territoire comparable et mutuellement accepté dans le cadre d’un accord de paix) mais comprend l’ensemble des territoires arabes actuellement contrôlés par les sionistes, y compris le plateau du Golan (territoire revendiqué par la Syrie), Haïfa et Tel-Aviv, c’est-à-dire l’entièreté du territoire actuellement sous contrôle ou sous souveraineté israélienne. Cette revendication exprime le désaccord de BDS sur la solution à deux Etats.
- Le droit au retour sans conditions des réfugiés palestiniens est une logorrhée du mouvement national palestinien historique qui va au-delà de la position officielle de l’Autorité Palestinienne et même de la ligne de conduite adoptée par les pays membres de la ligue arabe (initiative saoudienne) qui ont évolué sur cette question et préconisent aujourd’hui une solution « juste », à défaut d’être équitable, au problème des réfugiés.
- L’égalité des droits entre les citoyens à l’intérieur de l’Etat d’Israël doit uniquement être interprétée, lorsqu’elle est revendiquée par un mouvement comme BDS, comme un acte, couplé au retour des réfugiés (environ 5 millions de personnes), devant mettre fin à la majorité juive (et donc du caractère juif de l’Etat d’Israël) sur la partie du territoire de la Palestine actuellement occupée par les sionistes.
Des revendications éminemment politiques
Si on devait reformuler correctement les revendications de collectif palestinien, on pourrait alors dire que l’horizon politique de BDS est une solution à un seul Etat avec une population majoritairement musulmane. Le sort des Juifs (environ 7.000.000 d’individus) dans ce nouvel Etat, lui, n’est quant à lui pas encore tranché. Voilà ce que BDS propose lorsqu’il affirme se battre uniquement pour le respect du droit international et les droits humains des Palestiniens. Contrairement à ce qu’il affirme (3), ses revendications sont éminemment politiques puisque BDS prône comme principe que l’unique solution au conflit passe par un acte politicide de la part des Israéliens. La Paix se fait non pas avec Israël mais sans Israël.
La fin de la colonisation et de l’occupation, le règlement de la question des réfugiés et l’égalité des droits entre les citoyens sont bien évidemment des questions auxquelles les belligérants doivent impérativement apporter des réponses pour espérer un jour mettre un terme à ce que certains appellent désormais le plus vieux conflit du monde. Les « accords » d’Oslo conclus en 1993 entre les représentants officiels et légitimes des deux camps tentaient d’y parvenir. Il en a été de même des « accords » de Genève signés par des personnalités des deux bords en 2003 et qui se basaient sur le plan Clinton et les discussions de Taba prévoyant un règlement global et pacifique du conflit : création d’un Etat palestinien, délimitation des frontières, échanges de territoires, colonies, solution disruptive au problème des réfugiés palestiniens, sécurité, cogestion de Jérusalem, etc.
Retour vers le futur
Les trois revendications de BDS sont cependant d’un autre ordre puisqu’elles partent du postulat que le droit à l’autodétermination du peuple palestinien passe par la négation du droit à l’autodétermination du peuple juif. Ces revendications peuvent ainsi être qualifiées de rétrogrades puisqu’elles sont identiques à celles que soutenaient l’OLP, principal acteur du mouvement national palestinien, avant d’accepter la solution à deux Etats et le processus de paix d’Oslo il y a 25 ans !
Avec BDS, c’est donc retour vers le futur.
(1) F.A.Q. : Quelles sont les revendications précises de la campagne BDS ?, www.bdsfrance.org
(2) CERSP: "Les trois principes de BDS", février 2019
(3) Omar Barghouti: « BDS: discussing Difficult Issues in a Fast-Growing Movement “, Al-Shabaka, juin 2016.