Boycott économique total ou partiel ? Que veut BDS?

Boycott économique total ou partiel ? Que veut BDS?

Pourquoi BDS appelle-t-il au boycott économique total d’Israël et pas uniquement des produits fabriqués dans les colonies implantées en Cisjordanie occupée ?  La réponse à cette question doit être recherchée du côté de l’objectif du mouvement et des revendications formulées dans sa Charte (1).

L'étiquetage des produits fabriqués dans les colonies

L’Union européenne a pris la décision en 2015 d’étiqueter les produits originaires des colonies israéliennes implantées en Cisjordanie occupée au grand dam du gouvernement israélien (2). Cet étiquetage est un signal politique clair envoyé par les pays européens à l’Etat hébreu, une ligne rouge : les colonies sont jugées illégales au regard du droit international. Partant, les produits qui y sont fabriqués ne sont pas des produits fabriqués en Israël et ne peuvent pas bénéficier des accords de libre-échanges et des tarifs douaniers préférentiels conclus entre Israël et l’Union Européenne.

L’idée selon laquelle la communauté internationale doit faire pression sur Israël pour conclure un accord de paix avant qu’il ne soit trop tard peut paraître séduisante pour certains partisans d’une solution à deux Etats. Cette pression aurait pour objectif de corriger le rapport de force en faveur de la partie palestinienne la plus faible en forçant Israël à accepter un compromis historique équilibré qui satisfasse in fine les deux parties. Dans le cadre de cet horizon politique, l'étiquetage des produits fabriqués dans les colonies pourrait se révéler un moyen d’action efficace, n’en déplaise aux Israéliens.

Le boycott économique total

Contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, le collectif palestinien BDS n’appelle pas au seul boycott des produits fabriqués par des entreprises israéliennes dans des colonies implantées en Cisjordanie occupée mais demande aux consommateurs occidentaux de boycotter toutes les entreprises israéliennes et toutes les entreprises occidentales qui participent activement à l’économie israélienne (3).

Cet appel au boycott intégral doit être mis en perspective avec les objectifs du mouvement et des revendications formulées dans sa Charte. BDS est un mouvement qui se revendique radicalement antisioniste. Il considère que le caractère juif de l’Etat d’Israël doit être abandonné, de gré ou de force, par les Israéliens, car il empêche l’autodétermination du peuple Palestinien. La résolution du conflit israélo-palestinien passe donc de facto par une solution à un seul Etat et non pas par une solution à deux Etats. Dans le cadre de cet horizon politique où la paix se fait sans Israël, le boycott intégral prend tout son sens puisqu’il vise à étrangler économiquement l’Etat hébreu jusqu’à ce qu’il capitule et abandonne son caractère juif.

Le but de BDS n’est donc de
corriger le rapport de force pour forcer Israël à un compromis historique avec
les Palestiniens. Son objectif est d’engager une épreuve de force avec Israël en vue de le contraindre à abandonner
ce qui constitue le fondement même de son existence, son caractère juif.

Le choix du boycott : pacifique ou belliqueux

En France, de nombreux corps intermédiaires, partis politiques (EELV, LFI, NPA), syndicats (CGT), ONG (Oxfam, Attac), associations caritatives, etc., de mêmes que de nombreuses personnalités politiques ou de la société du spectacle ont apporté ces dernières années leur soutien aux campagnes de boycott lancées par le collectif palestinien BDS.

Mais comme nous l’avons vu, le boycott économique peut être un moyen pacifique pour arriver à la paix avec Israël ou un moyen belliqueux pour arriver à la paix mais sans Israël. Aussi, il serait bon que les supporteurs de BDS lèvent rapidement toute ambiguïté sur les fondements de leur soutien. Si l’objectif de leur boycott vise à rétablir un rapport de force plus favorable pour les Palestiniens dans le cadre de la relance d’un processus de paix visant à la création de deux Etats, alors ils doivent impérativement s’écarter du boycott préconisé par BDS, voire même le dénoncer. Si par contre leur soutien au boycott belliqueux prôné par BDS a bien pour objectif de créer une épreuve de force en vue d’obtenir la reddition forcée des Israéliens dans le cadre d’une solution imposée à un seul Etat où le sort des 7.000.000 de Juifs n’est pas encore fixé, alors ils ont frappé à la bonne porte.


(1) S. Henry: "Quelles sont les revendications précises de BDS?", CERSP, février 2019

(2) P. Smolar: “L’étiquetage par l’UE des produits fabriqués dans les colonies provoque la fureur d’Israël », Le monde, Novembre 2015.

(3) FAQs: "Does BDS call for a boycott of the whole of Israel or just the illegal settlements?", www.bdsmovement.org

[4]: Laurent Joffrin: "BDS: les dessous d'un boycott", Libération, août 2015; Martine Gozlan : "Ce que cache le boycott d'Israël", Marianne, mai 2016.

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